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La zone euro est une union monétaire fondée sur des fondamentaux budgétaire posant des contraintes au déficit et à la dette des économies membres. La question se pose alors sur le problème de dette publique dans la zone euro et particulièrement en Grèce qui se retrouve depuis 2012 dans une position de « défaut partiel » par l’agence de notation Standard and Poor’s. Le défaut est une situation où le pays ou l’économie considérée n’est plus en mesure de payer sa dette. Ainsi, un défaut partiel est une situation où ce dernier ne peut plus payer une partie de sa dette. Dans les deux cas, le poids de la dette en rapport à son économie est jugé « insoutenable ».

Or, 5 ans après le premier signe d’affaiblissement de l’économie grecque avec une certaine « insoutenabilité » de la dette par rapport à la croissance grecque si on suit un raisonnement théorique comme il est entendu dans le modèle de Thirwall (1982) et de la rentrée dans la crise des dettes souveraines européennes, la situation de la dette grecque s’est aggravée malgré les nombreux plans de sauvetage, et des politiques non conventionnelles de la BCE. Dernièrement, la BCE a annoncée la mise en place d’un assouplissement quantitatif (QE) permettant aux banques centrales nationales d’endosser près de 80% des risques liés au rachat de la dette souveraine des Etats membres incitant les banques centrales nationales à une monétisation de leurs dettes. La dette publique peut être monétisée à travers le refinancement de la dette avec la création monétaire par la banque centrale dans une économie nationale traditionnelle.

Or, dans la zone euro, les différents pays n’ont pas la possibilité d’utiliser la politique monétaire sachant que la BCE est indépendante des différents gouvernements de la zone et que sa politique conventionnelle est associée à une « domination monétaire » (Sergent et Wallace, 1981). La « domination monétaire » est lorsqu’un objectif de lutte contre l’inflation est la priorité dans une économie et que la politique budgétaire doit être restreinte pour assurer la soutenabilité de la dette externe de l’économie. La monétisation de la dette est quand à elle interdite légalement compte tenu du mandat associé à la BCE visant une certaine crédibilité de la politique monétaire.

La Grèce est privée de sa flexibilité monétaire qui lui permettrait de mettre en place un politique de dévaluation pour relancer son activité économique et sa croissance grâce à une hausse de sa compétitivité. Ainsi, sans possibilité d’utiliser sa politique monétaire, la Grèce devait tendre à mettre en place une politique budgétaire restreinte pour permettre d’assurer la soutenabilité de sa dette. Comment peut-on expliquer que la dette de la Grèce ne fut pas résorbée par les politiques mises en place par la Troïka? Une réponse peut être donnée à travers la théorie monétaire moderne (MMT).

Il est intéressant de noter que, selon la théorie du MMT, la création monétaire n’est pas exogène à l’économie et qu’elle peut se faire de manière endogène par une émission de dette privée de la part des banques commerciales comme il a été souligné par la banque d’Angleterre (2014). Ainsi, on peut noter que la création monétaire a une explication par le crédit bancaire contrairement à la théorie monétaire traditionnelle qui la définie par les dépôts bancaires. Ainsi, la monnaie peut être crée ex-nihilo. Ainsi, ces données doivent être prises en compte dans l’évaluation macro-prudentielle qui tend à évaluer la soutenabilité de la dette de l’économie et de son risque de défaut pour réévaluer le cas de la Grèce et des pays de la zone euro. Le rôle de la banque centrale étant de contrôler la masse monétaire dans une économie et d’être prêteur en « dernier ressort », la BCE diminue l’émission de crédit bancaire en manipulant ses taux directeurs qui ont une influence direct sur l’émission de crédit bancaire des banques commerciales. Cela pose un problème, si on suit un raisonnement post-keynésien, dans le sens où la diminution des crédits entraine une diminution de l’investissement qui se répercute par une concentration de la croissance de l’économie. Cette baisse de la croissance à un impact sur la soutenabilité de la dette dans la mesure où l’économie ne peut plus produite un excédent de production lui permettant de financer sa dette.

Contrairement aux idées reçues, l'Euro et ses effets sur la gestion des politiques budgétaires et monétaires, sont au cœur de l’explication de la crise de dette grecque. Dans une crise « conventionnelle », si nous suivons un raisonnement keynésien, les gouvernements doivent augmenter les dépenses afin d'atténuer ses impacts. Cependant, les revenus du gouvernement ont tendance à diminuer ce qui pose sur temps plus long un problème compte tenu que les déficits budgétaires sont inévitables et apparaissent comme une cause de la crise elle-même. Cette dette publique peut être financée par la création monétaire par la banque centrale. Mais dans la zone euro, les différents pays n’ont pas la possibilité de création monétaire.

Nous avons appris de l'histoire de la banque qu'une condition nécessaire pour stabiliser le système bancaire consiste à prévoir un prêteur de « dernier ressort ». Cela donne une garantie de liquidité aux détenteurs des dépôts qui sont une source de création monétaire bien que les crédits soient la principale source de création monétaire d’après la banque d’Angleterre (2014).

La contagion entre les marchés des obligations souveraines peut être arrêtée seulement s’il y a une banque centrale prête à être le prêteur en « dernier ressort » permettant de garantir que la liquidité de la monnaie adossée à cette banque centrale soit garantie pour payer les obligataires.

La seule institution dans la zone euro qui peut remplir ce rôle est la Banque Centrale Européenne. Jusqu'à récemment, la BCE a joué ce rôle soit directement par l'achat d'obligations d'État, ou indirectement en acceptant des obligations d'État en garantie dans sa fourniture de liquidités au système bancaire. Cependant, il a clairement fait savoir qu'il n’est pas disposé à continuer à le faire. Depuis le commencement de la crise grecque en mai 2010, la BCE a réduit son bilan de près de 200 milliards € qui a eu pour impact de réduire la liquidité dans le système de la zone euro. Elle a fait cette réduction alors que la crise s’est aggravée, et les gouvernements cherchaient des ressources nécessaires pour soutenir la Grèce et éviter un éventuel risque de défaut synonyme de la remise en cause de la stabilité du système euro dans son ensemble. La réticence de la BCE à prendre ses responsabilités en tant que prêteur en dernier ressort est le facteur le plus important pour expliquer pourquoi les forces de contagion sur les marchés des obligations de la zone euro n'a pas été arrêté et que la situation économique de la Grèce n’a pas s’améliorer malgré les nombreuses politiques mises en place.

Il ya une nécessité d'une révision fondamentale des institutions de la zone euro. Il est essentiel que la BCE prenne la responsabilité de sa tâche de prêteur de dernier ressort dans les marchés des obligations des États de la zone euro. Sans cette garantie, les marchés des obligations des État ne pourront être stabilisés et la crise économique se transformera en un crise politique de la zone euro. Ces décisions, toutefois, sont insuffisantes et des changements plus fondamentaux dans la gouvernance de la zone euro sont nécessaires à l'heure où la Grèce prend un tournant politique important.

BCE vs Grèce: La gouvernance de la zone euro en jeu
Tag(s) : #International vision
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