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Le Plan Keynes : une solution supranationale au désordre international ?

L’union internationale de « clearing », ou système supranational de compensation, était un système proposé à Bretton Woods par Keynes permettant de faciliter les règlements internationaux grâce à une compensation en une devise supranationale, le « bancor », entre les comptes créditeurs, des pays exportateurs, et les comptes débiteurs, des pays importateurs (Lelart, 2011). Ce système de compensation, organisé sur une nouvelle unité de compte supranational « le bancor », a été imaginé comme complémentaire à un système monétaire international organisé sur des changes fixes entre les différentes monnaies afin de trouver une solution aux différents déséquilibres existants entre les Etats. De ce fait, l’adoption à l’échelle internationale de cette union de compensation ne serait pas en contradiction avec le SFMI actuel et pourrait être une solution aux déséquilibres des balances des paiements. Cependant, le fonctionnement du « bancor » devrait être repensé, étant donné que le « bancor » avait été pensé par Keynes comme fixe mais ajustable par rapport à l’or et un panier de devises (Lelart, 2011). L’union de compensation devrait, elle aussi, être repensée pour être complémentaire à un SMI dual, basé d’un côté, sur des changes flottants entre les différentes « grandes » monnaies et d’un autre côté sur un système « semi-dollar standard », afin de permettre une complémentarité entre des ajustements localisés répondant à des problématiques nationales ou régionales sous des régimes de change administrés et des ajustements globaux répondant à des problèmes d’ordre systémique, financier ou de déséquilibres globaux (FMI, 2010).

Stiglitz (2010) propose, à la place du « bancor » de Keynes, de reprendre le DTS[1], le redéfinir comme une monnaie internationale et le déterminer par un panier de devises élargies comprenant toutes les monnaies du SMI. Le mandat du FMI devrait, de facto, être réformé et étendu à la gestion de cette unité de compte qui deviendrait une monnaie de règlement internationale à l’image du « bancor ». Cependant, une différence structurelle, résultat du débat qui avait opposé Keynes à White à Bretton Woods, est à noter. Dans le système imaginé par Keynes, les Etats devaient ouvrir un compte dans l’union de compensation alors que dans le SFMI actuel le FMI, institution de Bretton Woods, a son compte ouvert dans chaque Etat. C’est pourtant ce dispositif qui aurait permit à l’union, d’enregistrer à l’image d’une banque commerciale un passif, issu des pays excédentaires, pour financer ex-nihilo les pays enregistrant un déficit grâce à une émission de crédit en bancor limité par un quota déterminé et évoluant par rapport au commerce international de chaque pays (Lelart, 2011). Cette différence structurelle rend difficile actuellement la modification du FMI, institution multilatérale, en la « Banque centrale des banques centrales » imaginé par Keynes. Il conviendrait de créer une nouvelle institution pouvant avoir ce rôle de « banque centrale globale » (FMI, 2010).

Sous la garantie d’une symétrie internationale entre les pays excédentaires et déficitaires, le plan Keynes avait réparti les efforts de réajustement entre ces pays. D’un côté, les pays déficitaires, qui devaient prendre des mesures pour rétablir les déséquilibres de leur balance des paiements, auraient pu se reposer sur le système mis en place par l’union de compensation pour diminuer les coûts liés au réajustement. D’un autre côté, les pays excédentaires auraient du chercher à limiter leurs excédents ou auraient contribué à financer le développement des pays en développement (Lalart, 2011). Ce problème de répartition des efforts, à l’avantage des pays déficitaires, bien que les pays excédentaires pouvaient contrôlés et devaient consentir à l’émission des crédits, a été à l’origine de son refus par White, trésorier américain, lors de la Conférence de Bretton Woods à cause du poids de ce système sur l’économie américaine. Ce problème de répartition, bien que géopolitiquement modifié depuis l’après-guerre, poserait un problème structurel dans l’adoption du plan Keynes comme une alternative au SFMI actuel puisque l’essentiel de l’effort se verrait transférer sur les pays en développement, tels que la Chine ou les pays pétroliers.

[1] Le Droit de Tirage Spécial (DTS) a été créé en 1969 par le Fond Monétaire International afin de résoudre le problème des réserves de change et soutenir le système Gold-Exchange-Standard mis en place à Bretton Woods en 1945. Actuellement considéré comme une réserve de change international, le DTS est déterminé par un panier de quatre monnaies (actuellement selon le FMI (2010) : le dollar américain (44%), l’euro (34%), le yen (11%) et la livre (11%)).

Tag(s) : #Café du commerce
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